Le 11 septembre 1917, alors qu’il savait que le commandant Brocard devait venir lui rendre visite pour l’informer de sa mutation, Georges Guynemer décida de prendre l’air.
Vers 8h30, en compagnie de Bozon-Verduraz, Guynemer s’envola sur son Spad XIII S.504 n°2, baptisé " Vieux Charles ". Sa mission était de patrouiller dans le secteur de Langemark. Vers 9 h 25, parvenu au-dessus du village de Poelkapelle, Guynemer, qui volait à 4 000 m environ, repéra en dessous de lui ou au-dessus ? (le récit de Bozon n’est pas très clair) un biplace d’observation allemand Rumpler. Avion allemand vers lequel il piqua aussitôt.
De son côté, Bozon-Verduraz aperçut une formation de huit Fokker qu’il attira sur lui afin de laisser le champ libre à son chef. Mais après s’être débarrassé des gêneurs, il ne retrouva pas Guynemer.
Commença alors pour Bozon, de retour au sol, et tout le personnel de la base une longue attente entrecoupée des informations les plus fantaisistes.
D’après la Gazette des Ardennes, Guynemer aurait été abattu au nord-ouest du cimetière sud de Poelkapelle. Les allemands affirmèrent avoir inhumé l’as au cimetière de Poelkapelle mais, en novembre 1917, ils revinrent sur cette affirmation, expliquant n’avoir pu l’enterrer en raison du très fort bombardement. Les rumeurs les plus folles coururent alors : Guynemer se serait posé derrière les lignes allemandes et serait prisonnier, au secret, en Allemagne. D’autres affirmèrent qu’il serait tombé en mer, quelques-uns colportèrent la pire des calomnies, celle qui voudrait que le malheureux Bozon-Verduraz ait délibérément tiré sur son chef.
Le mystère fut tout aussi épais en ce qui concerna la fin du vainqueur de Guynemer, le lieutenant Kurt Wissermann. Celui-ci fut abattu le 30 septembre 1917. Dans le dernier vol de Guynemer, Bernard Mark écrivit que les vengeurs de Guynemer seraient Douré et Fonck. Collishaw affirma que Wisserman aurait été abattu par deux Britanniques, Bowman et Hoidge. Pendant près de cinquante ans, le mystère demeura.
Du côté britannique aucun soldat ne se souvint avoir assisté à un combat aérien et personne n’a vu d’avion tombé. En 1967, l’enquête d’un Britannique, l’Air Commodore Collishaw, souleva un coin du voile. Collishaw découvrit en effet que Wissermann était observateur sur un biplace Albatros, et non un Rumpler, de la Jasta 3. Il découvrit surtout qu’au moment où Guynemer lança son attaque, il fut survolé par une formation de bombardiers allemands croisant à plus de 5 000 m. Il semble alors que ce fut une rafale tirée par l’un de ces bombardiers qui aurait tué l’as français provoquant le plongeon du " Vieux Charles " vers l’Albatros de Wissermann.
Collishaw apprit également que plusieurs témoins avaient suivi la chute de Guynemer.
Des civils belges et allemands envoyèrent sur les lieux du crash un sergent médecin et deux soldats de la 204ème division. Ceux-ci récupérèrent les papiers du mort. Ils constatèrent que Guynemer avait reçu plusieurs balles, une en plein front, une à l’épaule et plusieurs aux jambes. Mais ce médecin et ces soldats durent se mettre à l’abri car ils furent pris pour cibles par trois chasseurs anglais Camel, et parce que toute la zone était pilonnée par un bombardement britannique.
De surcroît, le lendemain, le régiment allemand fut relevé et envoyé à Cambrai, ce qui retarda l’envoi du rapport.
Guynemer rejoignit ainsi la longue cohorte des aviateurs tombés en mission et dont on n’a jamais retrouvé trace, Nungesser et Colis, Mermoz, Guillaumet, et Saint- Exupéry. Il exista un autre point commun entre Guynemer et ces pilotes, ils bénéficièrent de la " sanctification " attachée à ceux qui disparaissent sans que fut retrouver leur enveloppe charnelle. L’impossibilité de localiser le corps du défunt renforça ainsi le mystère et le caractère inexpliqué de la mort de l’as des as français, entretenant la légende du personnage.